Le 24 avril, l'OMS avait lancé une alerte mondiale, annonçant que des centaines de cas de grippe étaient signalés au Mexique et aux Etats-Unis.
Le 11 juin, sa directrice générale, le docteur Margaret Chan, déclarait la grippe A (H1N1) première pandémie du XXIe siècle. Dans un entretien exclusif au Monde, elle fait le point sur la situation et s'explique sur la stratégie de l'OMS.
C'est la première fois dans l'histoire que nous voyons une pandémie évoluer sous nos yeux. Autrefois, le monde était toujours pris par surprise, sans avoir eu le temps de discuter des moyens d'affronter la maladie. Depuis l'émergence, il y a quelques années, du virus de la grippe aviaire H5N1, qui se traduit par une maladie extrêmement sévère, avec 50 % à 60 % de cas mortels, les ministres de la santé ont discuté avec l'OMS de la manière de planifier la préparation à la menace pandémique, en prenant pour référence la grippe espagnole de 1918.
Le virus 2009 A (H1N1) est totalement différent. Il est nouveau, et quasiment personne n'est immunisé contre lui. Il se répand très facilement, mais ne provoque pas de maladie sévère chez la plupart des gens. Ces éléments ne cadrent pas avec les plans préparés, et imposent de les adapter. Rien d'étonnant, donc, à ce que des gens se demandent pourquoi la pandémie actuelle ne correspond pas à ce à quoi ils s'attendaient, et trouvent que l'on en fait beaucoup. Mais je ne suis pas d'accord avec ce point de vue.
Tout d'abord, ce virus voyage à une vitesse incroyable, inédite. En six semaines, il parcourt la même distance que d'autres virus en six mois ! Le nombre de personnes infectées est aussi sans précédent. Jusqu'à 30 % des habitants des pays à forte densité de population risquent d'être infectés. Sans plans de préparation, nous serions incapables d'avoir une réponse organisée. C'est une sorte de retour sur investissement.
60 % des décès surviennent chez des personnes ayant des problèmes de santé sous-jacents. Ce qui signifie que 40 % des décès concernent des jeunes adultes - en bonne santé - qui meurent en cinq à sept jours d'une pneumonie virale. C'est le fait le plus préoccupant. Soigner ces patients est très lourd et difficile.
Dans beaucoup de pays, les services d'urgence et de soins intensifs sont extrêmement sollicités, voire surchargés. Dans notre monde de 6,8 milliards d'habitants, que se passera-t-il si l'infection touche 20 % à 30 % de la population ? Qu'arrivera-t-il si la maladie devenait plus sévère sans que nous y soyons préparés ? Beaucoup de ressources seront consommées au détriment des malades touchés par le cancer, les maladies cardiovasculaires...
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